dimanche 16 décembre 2007

En regard du surréalisme actuel

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Les surréalistes nous ont révélé l'importance morale de l'acte non préconçu. Spontanément ils mirent l'accent sur les « hasards objectifs » primant la valeur rationnelle. Leurs intentions n'ont pas changé. Cependant les jugements rendus, depuis quelques années, portent de plus en plus les marques de l'attention accordée aux intentions de l'auteur. Cette attention domine de beaucoup celle portée à la qualité « convulsive » des œuvres. D'où répétitions d'erreurs inconnues à la phase empirique.

L'intention est nécessaire, non suffisante. Impossibilité de reconnaître l'intention vivante, fatale, de la fausse: attitude adoptée, recherchée, calculée, intéressée. La qualité convulsive ne peut être que la résultante d'une opération magique; exprimant une imprévisible relation matérielle. Le reste est relatif, intéressant et nécessaire, non suffisant.

Si à la vue de ce dessin, j'ai la certitude morale d'être devant un Mousseau, ce n'est certes pas pour telle ou telle intention de l'auteur. Cette intention m'est encore en grande partie inconnue! Si j'ai la certitude d'être devant un Mousseau, c'est à cause d'une relation plastique non intentionnelle, fatale et constante à Mousseau que ma mémoire me rappelle comme une chose unique et propre à tous les objets qu'il façonne.

Si je reconnais telle aquarelle comme étant de Riopelle (exemples d'une des récentes expositions) ce n'est pas à cause des moyens employés, volumes, lumières, mouvements, matières, couleurs (ces moyens ont peu changé depuis toujours) mais uniquement à cause d'une relation plastique propre et tout aussi involontaire à Riopelle que la qualité de ses sens, de son esprit.

Là réside toute la puissance convulsive transformante. C'est cette puissance qu'ont perdue les artistes les plus connus de notre époque dans l'exploitation consciente de leur personnalité. Breton seul demeure incorruptible.

Paul-Émile Borduas

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